Tout schuss vers les mondiaux 2027

Le champion olympique de descente 2010, Didier Défago, mène Crans-Montana vers les prochains Mondiaux de ski alpin avec sa persévérance coutumière. Retour sur la trajectoire qui l’a conduit jusque-là.

C’est la dernière ligne droite… Le genre que Didier Défago avait l’habitude d’aborder « tout schuss », les cuisses gorgées d’acide lactique et l’esprit obsédé par le chrono lorsqu’il était l’un des meilleurs descendeurs mondiaux. Du 1er au 14 février 2027, soit 40 ans après la mythique édition 1987 qui avait vu les skieurs suisses rafler quatorze médailles, Crans-Montana accueillera à nouveau les championnats du monde de ski.

À l’époque, le petit Didier n’avait pas dix ans, mais le ski était déjà toute sa vie. Il avait dégusté les courses à la télévision, mais s’était aussi rendu sur place pour vivre l’événement de l’intérieur.

« Mon père Victor adorait le ski et avait même été champion du monde handiski en 1974. Il nous a mis sur les lattes vers 18 mois. Il a même été notre premier entraîneur au ski club de Morgins que nous avons intégré vers trois ans. Pour mon frère et moi, glisser était aussi naturel que marcher », se souvient celui qui fut champion olympique de descente aux J.O. de Vancouver. À l’époque, le Morginois tapissait les murs de sa chambre de posters de ses idoles : « Pirmin Zurbriggen, Erika Hess, Paul Accola, Vreni Schneider ou encore Joël Gaspoz », se rappelle-t-il.

Les piquets et l’amitié

Comme eux, il grimpe les échelons tout naturellement grâce à son talent et à force d’entraînements exigeants. Avec modestie, mais niaque aussi.

« On bouffait des piquets avec les copains du ski club, puis on se lançait souvent le même petit défi. C’était le premier en bas… Les cuisses piquaient, mais on rigolait. C’est là que j’ai pris goût à la vitesse », raconte l’ancien champion. Dans les forêts bordant la piste, les jours de poudreuse, la joyeuse équipe s’en donnait à cœur joie. « Ça nous a aussi appris les beautés de la forêt et à mieux connaître et respecter sa faune… »

L’année 1996 marque un tournant : le jeune espoir s’octroie trois médailles aux Mondiaux juniors. Cette année-là, il intègre le cadre de Swiss-Ski. C’est une consécration pour beaucoup, mais une « simple étape » pour celui qui a pris pour habitude de toujours regarder la marche suivante… En parallèle, le Valaisan boucle un apprentissage de dessinateur en bâtiment.

À ce stade, il est à la croisée des chemins. Il décide de tenter une carrière professionnelle. Se donner une chance de percer relève du saut de foi « dans cette Suisse de la fin des années 1990 où être sportif pro n’est pas toujours considéré comme un métier ». À ce niveau, les vacances estivales se passent à skier sur les glaciers. Mais c’est le bon choix ! En 1998, le débutant Défago dispute ses premières manches de Coupe du monde. Et en 2002, il empoche sa première victoire à Val Gardena en super-G.

« Cette même année, mon frère Daniel a mis fin à ses ambitions à ski et ça a été une sacrée leçon », se souvient son aîné de trois ans.

Des années à 200 à l’heure

Lui continue sa trajectoire sous les « hop ! » des supporters de leur fan-club. En 2004, Sabine entre dans sa vie. Elle-même fut compétitrice locale dans sa jeunesse et c’est le ski qui les a réunis. Elle lui donnera deux enfants, Alexane et Timéo, aujourd’hui âgés de 17 et 16 ans.

« Ma paternité ne m’a jamais freiné dans ma prise de risque. À ski, j’étais dans mon élément, mais quand j’étais à la maison, j’y étais à 100 % aussi ! »

La suite, on la connaît. Elle est pavée de victoires, dont celles de Kitzbühel et de Wengen en Coupe du monde.

« À chaque fois, j’essayais de comprendre pourquoi cela avait marché, mais au moins autant pourquoi cela n’avait pas marché », révèle le champion. En 2011, une déchirure du ligament croisé lui vaut d’encaisser une saison blanche. Mais 13 mois seulement après son opération, le Chablaisien décroche sa quatrième victoire en Coupe du monde lors de la descente de Bormio.

Le champion prend sa retraite en 2015 alors qu’il est encore proche du top. « Après toutes ces années à vivre à 200 à l’heure, cela ne semblait pas évident de passer à autre chose… » se souvient-il. Mais là encore, il négocie ce virage habilement.

Quand l’ancien champion Bernhard Russi lui tend une perche pour l’aider à dessiner des pistes de compétition, le Valaisan la saisit. C’est lui qui cocréera les tracés des J.O. de Pyeongchang et de Beijing ou de Coupe du monde de Zermatt. Il officie aussi un temps comme développeur chez Rossignol, un de ses sponsors historiques pour lequel il encadre une septantaine d’athlètes en Coupe d’Europe.

Puis viendront les missions plus stratégiques telles que président des remontées mécaniques valaisannes ou directeur général des Mondiaux de Crans-Montana 2027. Cette mission importante et chronophage lui vaut de dormir souvent dans la station du Haut-Plateau. « Là-bas, la vue sur les Alpes est plus ouverte que chez moi », concède le skieur.

Sa passion de la glisse est toujours vibrante. « Le ski reste un moment d’évasion. C’est ma sophrologie à moi ! J’oublie tout. Je décompresse. Je m’évade. Quand on file sur une piste, difficile de cogiter. On est juste présent et ça fait un bien fou ! » confesse en guise de conclusion le Morginois.