Pur produit morzinois, Anthony Chalençon a un parcours hors du commun. Devenu aveugle à l’âge de 3 ans, il a poursuivi sa passion en participant à trois Jeux paralympiques d’hiver, dans trois disciplines différentes. Médaillé d’or avec le relais en ski de fond aux Jeux de 2018, il a commencé sa carrière en s’essayant au ski alpin avant de s’orienter vers le biathlon. Rencontre avec cet athlète qui a fait de sa différence une force.

Comment avez-vous été plongé dans la passion des sports d’hiver ? Qu’est-ce qui vous a poussé à faire de la compétition ?
J’ai grandi à Morzine, alors comme tous les enfants de la station, j’ai été posé sur des skis avant même de savoir marcher. Lorsque j’ai perdu la vue vers l’âge de 3 ans, j’ai eu la chance d’avoir des parents qui ont continué à me faire pratiquer malgré mon handicap. J’ai tout de suite aimé la sensation de glisse, de liberté.
Lorsque j’étais au collège, j’ai dû trouver un stage en entreprise, un vrai défi avec mon handicap. À ce moment-là, les championnats de France handisport se déroulaient à Morzine et j’ai demandé à faire mon stage dans le comité d’organisation. J’ai découvert le monde du handisport, alors inconnu pour moi, et j’ai pu rencontrer de nombreux athlètes. C’est grâce à cette expérience que j’ai décidé de me lancer dans la compétition.
Vous avez commencé votre carrière en ski alpin avant de vous orienter vers le ski de fond puis le biathlon. Qu’est-ce qui a motivé ce changement de discipline ?
En grandissant, j’ai pris conscience que le ski alpin n’était pas adapté à mon handicap. Avec ma dégénérescence rétinienne, je ne vois absolument pas, ce qui complique énormément la pratique. À chaque course, je sortais du tracé, ratais des portes ou chutais. Les résultats n’étaient pas à la hauteur de mes attentes.
C’était énormément d’investissement, qu’il soit financier ou mental. Alors, en 2011, j’ai décidé de mettre un terme à ma carrière et, quelques mois plus tard, les coachs de ski de fond m’ont proposé de faire un essai. J’ai tout de suite accroché.
Comment vous préparez-vous mentalement et physiquement avant une grande compétition ?
Physiquement, les années avant la compétition sont les plus importantes. C’est durant cette période que l’on met en place des choses, que l’on se teste. Lorsque la compétition arrive, il n’est plus question d’expérimenter. Nous gardons les mêmes routines et les mêmes entraînements que les années précédentes.
Mentalement, je suis suivi de manière ponctuelle par une préparatrice, principalement pendant les périodes de préparation physique. Lorsque je me sens en forme à l’entrée et durant l’hiver, je décide de ne pas refaire de séance. Pour toutes les compétitions, le stress est inévitable. Mais avec l’expérience, j’ai appris à l’apprivoiser. Ce seront mes quatrièmes Jeux, et je sais désormais comment l’utiliser à mon avantage et le doser intelligemment.
Comment se passe la pratique du biathlon avec votre handicap ? Vous skiez avec un guide, comment le choisissez-vous ?
En biathlon handisport, le tir se fait grâce à un système sonore. Nous portons un casque audio relié à une carabine laser et c’est le son qui nous aide à viser la cible. Plus nous sommes proches du centre, plus le signal sonore est intense, à l’image d’un ARVA en montagne.
Pour la partie ski, je suis accompagné d’un guide et le choix de cette personne est primordial. C’est quelqu’un avec qui l’on va passer beaucoup de temps ; il faut une entente parfaite pour être bon sur les skis. Je regarde son niveau physique et technique, mais aussi sa manière de guider et de communiquer.
Quelles difficultés avez-vous rencontrées en tant qu’athlète malvoyant ? Comment les avez-vous surmontées ?
Trouver un guide a été l’un des plus grands défis. À mes débuts, je skiais avec des amis, mais il était difficile de trouver un partenaire fiable, prêt à s’engager sur la durée pour les entraînements et les déplacements. Pendant un temps, j’ai dû enchaîner les voyages pour dénicher des compagnons de ski motivés.
Mais depuis quatre saisons, j’évolue avec Florian Michelon et, au fil des années, nous avons trouvé nos repères et développé une véritable complicité.
Si vous deviez choisir un moment clé qui a marqué un tournant dans votre carrière, lequel serait-il ?
S’il ne fallait en retenir qu’un seul, ce serait mes premiers championnats du monde en 2015. Initialement, je n’étais pas prévu pour l’épreuve du relais et j’ai été intégré à la dernière minute. La pression était immense, d’autant plus que cette équipe avait déjà décroché une médaille de bronze aux Jeux l’année précédente.
Mais j’ai su répondre présent et nous avons décroché le titre de champions du monde. Cette victoire m’a fait prendre conscience que de grandes choses étaient possibles et a véritablement lancé ma carrière.


