En route vers d’autres cieux

Samedi 24 mai 2025, Courchevel a vécu un moment historique avec la vente aux enchères de 160 cabines des Chenus et de l’Ariondaz, deux remontées mécaniques emblématiques de la station. Elles ont trouvé une seconde vie auprès d’amateurs passionnés venus du monde entier. Retour sur un événement unique, mêlant nostalgie, engouement international et générosité.

« Une fois, deux fois, trois fois… adjugé ! » Le marteau de maître Nicollin, commissaire-priseur, retentit tandis que l’ambiance monte d’un cran dans la salle de l’Alpinium, au Praz. Cet après-midi-là, une foule enthousiaste est venue assister à un spectacle inédit organisé par la Société des 3 Vallées : la vente aux enchères de 95 cabines des Chenus, construites en 1994 par Sigma/Poma, et 65 de l’Ariondaz, datées de 2001 et fabriquées par CWA. Les photos des cabines défilent sur grand écran tandis que les vraies attendent leur nouveau propriétaire dans la nature, sagement alignées à l’Ariondaz et à Courchevel 1850.

Partant de 300 euros, les prix s’envolent rapidement. Les acheteurs peuvent enchérir simultanément en ligne sur interencheres.com et beaucoup voient la cabine de leur rêve leur filer entre les doigts. Déçus, certains quittent la salle, mais d’autres persévèrent. La n° 14, habillée de rose pour une publicité Évian, atteint le prix record de 4 400 euros, devenant la star de la vente. Venu de Haute-Tarentaise, Florent Arpin n’hésite pas à dépasser son budget pour remporter un exemplaire des Chenus, tout un pan de son histoire familiale qu’il évoque avec émotion. « Mon grand-père Paulo a été guide à Courchevel pendant plus de 45 ans. Je passais mes vacances d’hiver avec lui et on prenait ensemble cette télécabine emblématique ! Aujourd’hui, il n’est plus là, mais je vais l’installer près de son chalet et de ses ruches à Séez. » Laurence, résidente de la station, a déboursé 4 000 euros pour une cabine rose, une pièce unique promise à ses enfants. « Elle sera installée à l’extérieur de notre chalet à Moriond et elle nous suivra peut-être quand nous quitterons Courchevel. »

Des histoires singulières

Dans la salle, Ambra Borne, une jeune femme d’origine anglaise, rayonne de joie après avoir remporté trois lots. « C’est ma première vente aux enchères : j’étais un peu stressée, mais c’est une expérience incroyable », confie-t-elle. Depuis près de quatre ans, elle cherchait des cabines pour Le Montana, l’hôtel familial de La Tania. « J’en ai enfin trouvé ! Et elles portent en plus le logo de Courchevel et des 3 Vallées. Deux seront équipées d’une table pour que les clients prennent un verre en terrasse. La troisième pourrait devenir un sauna ou un hammam. »

Les cabines partent comme des petits pains. Pierre, propriétaire d’un restaurant à Courchevel 1550, a mis la main sur la n° 83, clin d’œil à son département d’origine, le Var. Bill, Isérois, a acquis deux exemplaires, dont la n° 92 qui avait participé aux Jeux olympiques. Il prévoit de les louer pour des événements.

Un engouement international

La vente a attiré des acheteurs du monde entier : participants en ligne ou sur place venus de 17 pays, dont l’Angleterre, la Turquie, les États-Unis et le Qatar. Certaines cabines s’envoleront pour Miami, le Canada ou les Émirats. « Beaucoup sont des clients fidèles ou des habitants de la vallée nostalgiques. C’est incroyable de voir un tel engouement pour ces morceaux de notre patrimoine », se réjouit Bénédicte Peroz, chargée de communication de la S3V, gestionnaire des remontées mécaniques.

Deux semaines plus tard, une procession insolite a défilé dans la vallée : des camions, des remorques et même des combis transportaient les cabines, parfois solidement arrimées sur le toit ! Les transporteurs professionnels ont assuré l’expédition vers des destinations internationales, tandis que d’autres exemplaires ont trouvé place dans des jardins, sur des terrasses ou chez des restaurateurs locaux.

Un événement caritatif

Au total, la vente a rapporté 400 000 euros TTC, avec un prix moyen de 3 000 euros pour les Chenus et 2 000 euros pour l’Ariondaz. Mais au-delà de la performance financière, c’est la dimension caritative qui a marqué les esprits. Les bénéfices (soit 330 000 euros HT) seront reversés à plusieurs associations locales : Man of the Day, qui œuvre pour la protection du territoire montagnard à travers des actions de ramassage et de sensibilisation, ou encore Essentiem, fondation facilitant l’accès aux sports de montagne pour des publics fragiles. D’autres, comme le Comité départemental du sport adapté de la Savoie (CDSA 73) et la Fondation Université Savoie Mont Blanc pour les travaux de la Chaire du tourisme durable, bénéficieront également de cette vente. Chaque association développera un projet concret en faveur de la station, tandis que les cabines entameront leur seconde vie… sous d’autres cieux.