Ambroise Serrano, prodige de la wing suit

Ambroise Serrano est une figure emblématique de la discipline. Sacré champion du monde de wingsuit de précision en Chine, en 2024, le trentenaire originaire de Praz-sur-Arly ne compte plus les vols avec au compteur plus de 5000 sauts en parachute et plus de 500 en base jump. Moniteur de chute libre et coach de wingsuit, il partage avec Altus sa passion pour ce sport extrême qu’il exerce depuis plus de 11 ans. Rencontre.

Comment avez-vous découvert la wingsuit ?

J’ai toujours été fasciné par l’idée de voler. En grandissant, j’ai exploré plusieurs sports aériens, mais la wingsuit est la seule façon de voler librement en utilisant son propre corps. J’ai découvert cette discipline au lycée. Je suis tombé par hasard sur une vidéo de parachutisme avec des wingsuiters et cela a été une révélation. J’ai commencé le parachutisme à 16 ans et, après 3 ans d’entraînement, j’ai enfilé ma première combinaison de wingsuit.

Vous êtes champion du monde de précision en wingsuit. En quoi consiste cette épreuve ?

L’objectif est de traverser une cible en papier suspendue 300 mètres plus bas. L’impact est analysé pour juger la précision du passage. J’aime cette discipline car elle demande un contrôle extrême du vol. Il y a plusieurs catégories en compétition. La wingsuit acrobatique, qui consiste en des chorégraphies en équipe, et la compétition de vitesse, où il faut aller le plus loin ou le plus vite possible.

Quel saut vous a le plus marqué ?

Sans hésitation, mon premier grand saut en base jump dans le massif du Mont-Blanc, il y a cinq ans. Je me suis élancé depuis l’aiguille de Bionnassay et j’ai volé 3 minutes 30 en serpentant au milieu des pentes. Une fois au sol, l’émotion était très forte. C’était un vol avec énormément de pression et de risques.

Comment choisissez-vous les endroits d’où vous sautez ?

C’est un travail méticuleux qui allie analyse scientifique et observation sur le terrain. J’étudie la topographie sur carte, les pentes, et je compare avec les courbes de vol de mes précédents sauts. Une fois sur place, nous utilisons des lasers pour mesurer le relief de la falaise avec précision. L’aérologie est aussi un facteur clé. Un vent de face peut nous porter, tandis qu’un vent arrière peut être dangereux. Il faut également repérer le terrain d’atterrissage afin d’être sûr que le sol est dégagé.

Au fil du temps, les personnes se sont rendu compte que les wingsuiters ne sont pas des têtes brûlées. Nous sommes des athlètes qui étudient les risques comme dans tout sport extrême. Il nous arrive de renoncer alors que nous sommes présents sur le spot. Si les conditions météorologiques changent ou si nous nous rendons compte que la pente depuis laquelle nous sautons est moins pentue que la trajectoire que l’on va prendre pendant le saut, par exemple. Lorsque nous sautons, nous avons vérifié toutes les variables et pris en considération toutes les éventualités possibles. Il ne faut jamais s’habituer à sauter d’une falaise. C’est à ce moment-là que cela devient dangereux.

Que ressentez-vous à chaque vol ? Quelle place occupe la peur ?

C’est une sensation de liberté absolue. Être perché en haut d’une montagne et savoir que je peux me déplacer uniquement avec mon corps est indescriptible. La peur est évidemment toujours présente et c’est une bonne chose. Elle est nécessaire et nous garde vigilants. Trop de peur paralyse, mais l’absence totale de peur est encore plus dangereuse, car elle mène à la négligence. Avant chaque saut, je fais un travail mental et respiratoire.

Vous pratiquez d’autres sports extrêmes. En quoi cela influence-t-il votre pratique de la wingsuit ?

Je fais beaucoup de speed riding (du ski avec une mini-voile de parapente pour jouer entre le vol et la glisse), et du speed flying, la même pratique mais l’été, sans les skis. Ces deux sports jouent un rôle sur ma manière de voler en wingsuit. Chaque discipline m’apporte quelque chose et m’aide à progresser. Toutes ces activités sont liées. Varier les pratiques me permet de conserver cette dose de peur qui est nécessaire.

Comment la wingsuit a-t-elle évolué ces dernières années ?

C’est une discipline en pleine mutation. Les combinaisons sont de plus en plus performantes et une véritable culture de la wingsuit se développe. Cela permet aux gens de mieux pratiquer.

Quels sont vos projets à venir ?

Il y a quelques années nous avons développé, avec mon associé Vincent Descole, Sky Vibration. Nous proposons des vols en wingsuit tandem. Nous sommes les seuls au monde à proposer cette option et notre objectif est de la rendre encore plus accessible. En créant Sky Vibration, nous avons voulu faire connaître la sensation unique du vol en wingsuit, incomparable à un autre sport. Et en parallèle de tout cela, je travaille également sur plusieurs projets vidéo pour partager ma passion avec le grand public et démocratiser ce sport.


Avant de sauter en wingsuit, la réglementation française de parachutisme impose un minimum de 150 sauts. Quelles sont les différences entre ces pratiques ? Explications.

  • Parachutisme : le parachutisme consiste à sauter depuis un aéronef, généralement un avion, avant de déployer un parachute après une chute libre.
  • Base jump (Building, Antenna, Span bridge, Earth cliff) : contrairement au parachutisme, le base jump est l’action de sauter depuis des structures fixes comme des falaises, des ponts ou des immeubles. Comme pour le parachutisme, les sauteurs disposent d’un parachute qu’ils ouvrent après une chute libre.
  • Wingsuit : la wingsuit désigne quant à elle la combinaison utilisée pour sauter. Avec des ailes de différentes tailles, elle s’apparente visuellement à une chauve-souris. Les combinaisons évoluent avec le niveau des athlètes, de légères à plus lourdes, pour des vols toujours plus précis et plus rapides. Grâce à leur parachute intégré, qu’ils déploient seulement au moment de l’atterrissage, les wingsuiters planent comme des oiseaux et cherchent à voler le plus longtemps possible en jouant avec les reliefs.