Pléthore de sommets à plus de 4000 mètres, lacs scintillants de jour comme de nuit, vues dramatiques, neige mystérieuse et routes sinueuses : tous ces éléments ont contribué à faire du Valais un canton prisé des réalisateurs dès le début du cinéma. Après l’épopée des Bergfilme et les James Bond, la série Winter Palace de Netflix a été tournée dans le canton en 2024.

La fascination des réalisateurs pour la Suisse — et le Valais en particulier — commence dans les années 1920, quand les tournages se concentrent sur des drames évoquant la conquête des montagnes par les hommes. Pourtant, les paysages ne peuvent suffire à expliquer l’engouement du 7e art pour la région. Mais pourquoi donc les caméras aiment-elles tant le Valais ?
Un siècle de cinéma
En 1921, Arnold Fanck tourne Im Kampf mit dem Berge (À l’assaut de la montagne), dont le sujet est l’ascension du Liskamm, culminant à 4 527 mètres. Il installe une chambre 35 mm à 4 500 mètres — record d’altitude pour l’époque ! Personnifié en tant que « mangeur d’hommes » dans l’imaginaire collectif, le sommet est la star du film, aux côtés du Weisshorn et du Breithorn. Arnold Fanck les crédite même avant ses acteurs !
Dans les années 1960, le contexte de la Guerre froide offre à la Suisse un décor parfait pour James Bond et ses combats contre le SMERSH, l’organisation soviétique de contre-espionnage, dans Goldfinger (1964). Les techniciens gravissent les abords du col de la Furka pour la célèbre scène culte avec l’Aston Martin DB5. Les figurants enfants de celle-ci sont payés en pommes !
Depuis les années 2000, nous assistons à un regain d’intérêt pour les tournages en Valais. Ursula Meier, réalisatrice helvétique, y tourne L’Enfant d’en haut avec Léa Seydoux (2012), mais aussi La Ligne avec Valeria Bruni-Tedeschi (2022).
En 2024, la série Winter Palace de Netflix élit domicile à l’hospice du Simplon à 2 000 mètres, au château Mercier à Sierre et à Binn. Le producteur Hugo Brisbois déclare : « Filmer à 2 000 mètres, c’est gérer la neige et son absence ! Le climat a été notre premier personnage. » Présente en quantité au début du tournage, elle disparaît en février. Le froid, lui, reste, avec des températures sous les –15 °C, au point que de petits chauffages portatifs sont cachés dans les costumes Belle Époque !
Mein Freund Barry (Mon ami Barry), film familial autour du légendaire chien saint-bernard, est pour sa part tourné entre l’hospice du Grand-Saint-Bernard et la vallée du Verzasca (Tessin). Le plateau du Studio 13 s’anime aussi lors du tournage d’une publicité pour Barryland, un parc dédié au saint-bernard situé à Martigny.
Des atouts naturels et logistiques
Le canton du Valais offre une diversité compacte. En une heure et demie, les équipes de tournage disposent de glaciers, de villages typiques, de paysages de vignes, de lacs ou de plateaux désertiques. L’accès est garanti toute l’année, avec le dégagement du Simplon et de la Furka, sans compter que le soleil y brille 300 jours par an !
De plus, il existe sur place des structures de soutien très importantes : la Valais Film Commission et l’association Valais Films. Active depuis 2007, celle-ci regroupe 102 membres — réalisateurs, monteurs, scénaristes, producteurs, cadreurs, acteurs, etc. Pont entre les professionnels et les institutions, elle est à l’origine de deux structures fondamentales pour le développement du cinéma dans le canton.
La Valais Film Commission, créée en 2021, a pour vocation de promouvoir la terre de Claude Barras* comme terre d’accueil pour les tournages, notamment grâce à des incitations financières conséquentes. Elle incarne un véritable outil de valorisation de la géographie, du savoir-faire, du terroir et du professionnalisme du canton.
Dès 2013, l’idée de proposer un studio dédié à la production — avec plateaux de tournage et professionnels à disposition — germe. C’est désormais chose faite : Studio 13 est inauguré en novembre 2024.
Vincent Savoy, président de l’association Valais Films et de Studio 13, explique : « Avant sa création, en cas de mauvais temps, les réalisateurs improvisaient leurs scènes intérieures dans des halles ou entrepôts, ou devaient changer leur planning pour perdre le moins de temps possible et limiter l’augmentation de leur budget. »
Avoir un cover set permet de concentrer les jours de travail sur un même lieu, tout en offrant flexibilité et liberté esthétique dans les décors. Désormais, il faudra compter sur le Valais dans la course aux lieux de tournage, c’est certain.
Le canton profite de son relief spectaculaire, mais possède aussi de sérieux atouts logistiques, un vivier de talents et une volonté politique forte et proactive. Entre mémoire alpine et studio spécialisé, il s’impose comme un plateau naturel et professionnel pour le cinéma mondial.
*Originaire de Sierre, il est le réalisateur des films d’animation Ma vie de courgette et Sauvages.


