Visible depuis les hauteurs de Tignes comme de Val d’Isère, l’aiguille de la Grande Sassière aimante le regard. Sa face sud, à la silhouette triangulaire, est une succession de barres rocheuses qui dominent un vallon sauvage et préservé. Domaine exclusif des marmottes, bouquetins et chamois, cette réserve naturelle rend la haute montagne accessible à tous.

Sur la route de Val d’Isère, au-dessus du Villaret du Nial, se cache un vallon de haute altitude, au cœur d’une réserve naturelle de 22,3 km². Durant l’été, une route d’alpage met ce paradis sauvage à la portée des cyclistes, randonneurs et familles. C’est la saison idéale pour en découvrir les sentiers qui serpentent dans la prairie alpine, à la recherche de lacs émeraude dans lesquels se mirent les sommets.
Un patrimoine naturel exceptionnel
Située sur la commune de Tignes, à la frontière de l’Italie, cette réserve naturelle a été créée en 1973 (suite au déclassement d’une partie de la Réserve naturelle nationale de Tignes-Champagny lors de la construction du téléphérique de la Grande Motte). Particulièrement riche en faune et en flore, inhabité à l’exception de quelques activités d’alpage, ce vallon se prêtait pleinement à la création d’un sanctuaire naturel.
Au bout de la route d’accès, les ruines du hameau du Saut témoignent de cette activité ancestrale d’agropastoralisme. Une ferme subsiste aujourd’hui au milieu du vallon : celle de la famille Milloz, dont la cinquantaine de vaches laitières produisent un lait parfumé, transformé en beaufort à la coopérative laitière de Bourg-Saint-Maurice.
Gérée par le Parc national de la Vanoise, la réserve obéit à une réglementation stricte (voir encart). Comme dans le parc, la cueillette est interdite. La diversité florale du site se découvre avec les yeux : pas moins de 32 espèces protégées sont répertoriées ; 19 sont inscrites sur la liste rouge de la flore menacée de France. Un patrimoine exceptionnel, dont font également partie les marais arctico-alpins à laîche bicolore, une plante qui pousse dans les alluvions fines des milieux humides d’altitude, et dont la présence remonte aux dernières grandes glaciations. La préservation de ces marais est d’ailleurs une priorité du réseau Natura 2000 en Europe.
Un sanctuaire pour la faune
Mais dans le vallon de la Sassière, les stars, ce sont les marmottes ! Depuis 30 ans, elles font l’objet d’un programme d’études scientifiques mené par l’université Claude-Bernard à Lyon. Un dispositif unique au monde qui permet d’étudier précisément le comportement et l’évolution de la population. Chaque territoire a été cartographié, chaque individu pucé, puis pesé et analysé (sang, poils, biopsie cutanée) tous les ans au printemps.
Le chercheur Christophe Bonenfant évoque l’importance de la collecte de ces données dans la connaissance de l’espèce, et met en lumière les évolutions constatées : « À la Grande Sassière, nous avons documenté une avancée de l’émergence des marmottons de l’ordre d’une petite semaine en 30 ans. » Reste à savoir si cette sortie plus précoce des marmottons hors de leur terrier est une conséquence du changement climatique. Pour l’heure, difficile de tirer des conclusions sur l’adaptation de la population de marmottes à ces modifications.
Mais le programme a déjà permis de constater les effets des conditions hivernales. Un manteau neigeux plus épais a un effet positif sur la taille de la portée à naître. À l’inverse, moins de neige engendre une moins bonne isolation pour les terriers et donc un impact négatif sur le taux de survie des jeunes nés l’été précédent. La population de marmottes de la Grande Sassière n’est pas pour autant menacée : la dernière estimation évoque une très légère décroissance de l’ordre de 0,03 % depuis 1990. Faciles à repérer depuis les sentiers, elles ne doivent être ni approchées ni nourries pour continuer à vivre en toute sérénité.
Chez les bouquetins, ce vallon est aussi un site privilégié pour l’hivernage, la mise bas et l’élevage des cabris. Il est d’ailleurs fréquent d’en apercevoir à l’amont du chemin de la rive droite. Pour percer les secrets de ces animaux protégés, les gardes-moniteurs du parc accompagnent le public chaque mercredi de l’été lors d’une marche pédagogique gratuite. L’occasion d’observer avec eux les gypaètes et aigles royaux qui survolent la zone ou les jeunes chamois qui jouent dans les éboulis.


