Le critérium au féminin

Le Critérium de la première neige fête cette année ses 70 ans. Soixante-dix ans qu’hommes et femmes dévalent les pistes mythiques de Val d’Isère pour signer le meilleur chrono. Alors que les plus grands skieurs s’affrontent sur la Face à la mi-décembre, les skieuses se retrouvent quant à elles tous les deux ans pour des épreuves de vitesse à la Daille.

Braquons cette année les projecteurs sur la course féminine. Le 17 décembre 1955, 55 participants sont au départ du premier Critérium de la première neige, imaginé par le club avalin pour attirer les équipes désireuses de s’entraîner en début d’hiver. Disputé presque exclusivement entre Français chez les hommes, ce premier Critérium est remporté chez les skieuses par des Britanniques, Jean Stanford en géant et Zandra Nowel en slalom. Loin d’imaginer qu’elles viennent d’écrire les premières lignes d’un palmarès exceptionnel.

Car très vite, le Critérium devient une étape incontournable du début de saison et rejoint le circuit de la toute jeune Coupe du monde de ski (créée en 1967), dès décembre 1968. Durant de longues années, c’est l’épreuve qui lance la saison. Il demeure aujourd’hui l’une des étapes les plus marquantes du début d’hiver sur le cirque blanc.

Une piste exigeante

Si les hommes courent le Critérium depuis 2009 sur la Face de Bellevarde, théâtre des épreuves techniques (géant et slalom), les femmes restent quant à elles fidèles à la piste de vitesse qui relie les hauteurs de Bellevarde à la Daille. Un lieu historique de la course avaline, idéal pour le super-G et la descente.

Réaménagée en 1966, la piste a été façonnée avec l’aide de Jean-Claude Killy pour être plus sélective. Elle porte le K de son initiale, associé au O d’Henri Oreiller, autre champion avalin. La OK fait les grandes heures du Critérium, mais du dégât également : les lourdes chutes des skieurs Émile (Viollat) et Roland (Collombin) ont baptisé les deux bosses principales. La piste a depuis continué à évoluer, mais reste exigeante.

Ingrid Jacquemod, directrice du Club des Sports et ancienne descendeuse du circuit de Coupe du monde, décrit la piste OK (Oreiller-Killy) comme une des plus complètes : « Elle nécessite de mobiliser toute la palette de ses compétences. Il y a des parties qui requièrent une excellente glisse et donc un gros travail sur le matériel avec les techniciens. D’autres demandent de l’engagement avec des mouvements de terrain et des compressions marquées, des sauts. C’est une piste joueuse mais qui exige du rythme, de la solidité. » Une piste taillée pour les championnes. Avec 10 podiums, dont 7 victoires à son actif entre 2005 et 2017, la légende américaine Lindsey Vonn est la plus titrée du Critérium.

Un véritable savoir-faire avalin

Les skieuses évoluant à près de 120 km/h, la piste nécessite énormément de préparation et de sécurisation. Un travail titanesque, deux fois plus important que celui effectué sur la Face de Bellevarde pour les épreuves techniques des hommes. « En tout début de saison, peu de sites sont capables de proposer une telle piste de vitesse. Il y a Saint-Moritz, et nous », précise Ingrid Jacquemod.

Depuis 2022, la FIS (Fédération internationale de ski) a décidé que la course avaline n’aurait lieu que tous les deux ans, pour des contraintes de calendrier. Si Ingrid regrette que cela éclipse une année sur deux la présence des femmes, elle explique : « Deux week-ends de courses qui se suivent sur deux sites différents (les hommes sur la Face, les femmes sur la Daille), avec de la technique et de la vitesse, cela nécessite de très gros moyens, logistiques, humains et financiers. Aucune autre station ne prépare deux sites de Coupe du monde à 10 jours d’intervalle, c’est colossal. Organiser les courses féminines un an sur deux, cela a favorisé un équilibre. »

Si les Jeux olympiques de 2030 se déroulent à Val d’Isère, hommes et femmes seront rassemblés sur la Face de Bellevarde pour des épreuves techniques. Une piste d’évolution serait donc d’accueillir les femmes chaque année au Critérium, en alternant entre des épreuves techniques sur la Face, puis l’année suivante, des courses de vitesse à la Daille pour répartir les efforts d’organisation. Une chose est sûre : les skieuses n’ont pas fini de nous faire vibrer sur les pentes avalines…

Un veau comme trophée

C’est une tradition qui remonte aux années 2000. Le Club des Sports de Val d’Isère offre à la gagnante un veau, symbole du terroir local, marqué par le beaufort. Un animal mascotte, chéri par les skieuses.

« La première année, un chèque a été proposé à Lindsey Vonn, car personne n’imaginait qu’elle souhaite emmener le veau ! Mais elle a insisté et trouvé une place dans la ferme de son entraîneur, en Autriche. Elle a désormais un cheptel de près de six vaches tarines ! », se souvient Ingrid Jacquemod.

À chaque fois, une délégation du club fait le déplacement pour offrir la bête, au terme de démarches administratives et vétérinaires en bonne et due forme. « Tout est fait pour garantir le bien-être animal à 100 %, dès sa naissance dans l’élevage familial et jusqu’à son départ chez la skieuse. Nous savons que les filles en prennent soin. À notre arrivée chez Ilka Stuhec, il y avait le journal télévisé slovène ; chez Lara Gut, une véritable fête de village. Nous avons aussi un suivi sur la vie de l’animal, on nous envoie des nouvelles », sourit Ingrid Jacquemod.