ALTUS CHAMONIX ÉTÉ 2022

L’un des rares canyons praticables de la vallée de Chamonix se situe à Barberine, sur la frontière franco-suisse. C’est là que nous retrouvons, sur un parking, la compagnie d’un groupe constitué de visiteurs habitués et de trois Allemandes désireuses de s’initier aux joies de cette pratique de pleine nature mixte qui mêle la randonnée, la grimpe et la nage en eaux vives. À l’heure d’enfiler notre combinaison néoprène humide et collante, la première impression n’est pas forcément des plus émoustillantes ! Curieusement engoncés, baskets aux pieds et baudrier autour de la taille, nous suivons les pas de Geoffroy Graff, notre guide du jour titulaire à la Compagnie des Guides de Chamonix. Quelques centaines de mètres et à peine dix minutes de marche suffisent pour rejoindre le torrent de Barberine. Sur les bords d’une jolie anse d’eau claire ceinte de rochers polis et de galets revêtus de mousses, où s’ébrouent quelques cascadelles, nous écoutons le briefing de Geoffroy, encore vaguement circonspects à l’idée de tremper nos pieds dans cette eau qui flirte avec les 11 °C.

Peu attaché à ses racines orléanaises, Pascal parle plus volontiers du choc émotionnel ressenti en découvrant la montagne à huit ans, avec sa maman, lors d’un séjour à Cordon, en Haute-Savoie : « Mon premier souvenir d’enfance, celui d’une découverte tout à fait extraordinaire, comme une naissance. » Un peu comme l’affichiste Savignac se plaisait à souligner « Je suis né à quarante et un ans des pis de la vache Monsavon », Pascal utilise la même image pour expliquer combien cette vision des sommets a été fondatrice dans sa vie, au point de se dire lui aussi « né face au Mont- Blanc à l’âge de 8 ans ». La lecture de Premier de Cordée de Roger Frison-Roche sera pour lui une seconde révélation. Un an plus tard, il revient en colonie de vacances à Combloux, déjà bien mordu de montagne. Les moniteurs, comprenant qu’il existait chez ce gamin une appétence précoce à l’alpinisme et une attirance bien réelle pour les sommets, lui proposent pendant leur jour de congé de les accompagner au refuge de Tête Rousse… « J’avais treize ans et c’était très puissant de me confronter pour la première fois à la haute montagne ! » Pascal s’interrompt dans son récit, se lève d’un bond, sort de son atelier situé de plain-pied dans son charmant chalet de Domancy pour me montrer où se situe ce fameux refuge dans un panoramique à couper le souffle qui est son cadre de vie depuis 2011 avec son épouse Pascale, peintre elle aussi, sa fidèle collaboratrice et leur fille Colleen, étudiante en art. Après des études supérieures – Hypokhâgne, Khâgne et une maîtrise d’anglais –, il part avec Pascale s’installer dans les Hautes-Alpes où ils se prennent de passion pour les objets peints. Ils vendent très bien leurs créations d’abord sur les marchés, puis en boutique. Sa collaboration actuelle avec l’ébéniste propriétaire de l’enseigne « Au Soli » de Megève pour lequel il décore des meubles anciens est un clin d’oeil à cette époque. Une commande hors-norme d’un décor peint incite Pascal à se lancer avec audace dans ce domaine, en néophyte absolu ! Malgré la modestie qui le caractérise, il avoue tout de même avoir quelques facilités… C’est ainsi, fortuitement, qu’il débute dans cette pratique devenue depuis une activité majeure. Les premiers essais s’accompagnent de quelques péripéties et Pascal, très perfectionniste, souhaite apprendre les techniques…

L’été tire à sa fin. Sur le chemin de Charousse, aux Houches, une joyeuse compagnie, imperméables et parapluies de sortie, butine à qui mieux mieux, de plante en plante, de fleur en fleur… « Pour l’instant, on ne s’intéresse pas à son nom, avertit Cécile Borghini, on fait comme d’habitude, vous me dites les détails que vous percevez sur la forme de la tige, est-ce qu’elle est ronde ou carrée, poilue… ? Et pour les feuilles, est-ce qu’elles sont opposées ou alternées, composées ou simples, embrassantes… ? » En cette fin de saison humide, l’animatrice du jour, en troisième année de formation de phytothérapie au sein de l’École lyonnaise des plantes médicinales (ELPM), mesure les progrès de ses élèves, botanistes en herbe. Ceux-ci se sont inscrits aux sorties terrain de La Petite Université pour mieux appréhender les végétaux ainsi que leurs usages ancestraux et médicinaux. Après quelques sessions organisées durant l’été, tous munis d’une loupe ainsi que des clefs de détermination ad hoc, les volontaires sont déjà en mesure d’effectuer quelques classements simples et d’éviter des confusions majeures. « Si on regarde les fleurs, on ne peut pas les confondre avec celles des opiacés qui sont en ombelle, et qu’on appelle les ombellifères », prolonge Cécile, avant de poursuivre sa plongée au coeur du végétal : « Regardez comme les sépales sont belles, elles sont bien resserrées sur les pétales, on dirait un artichaut fermé. Observez le jaune au centre et le rose sur le bord, les étamines blanches forment comme une fourchette. » Une fois la description terminée, l’animatrice délivre enfin le secret tant attendu : « Il s’agit de l’achillée millefeuille, une plante hémostatique qui a la capacité d’arrêter les saignements : une simple feuille dans le nez suffit. On l’appelle aussi la plante des charpentiers. »…

L’alpage de Blaitière est désormais géré par Carine et Thomas Gardiennet, jeune couple de bergers qui y a emmontagné ses brebis Thônes et Marthod. Un nouvel épisode dans la vie de cet écrin niché à 1708 mètres et rattaché à la vallée via un simple monte-charge. Sur place, Carine propose ses fromages frais fabriqués main, des assiettes gourmandes ainsi que diverses créations laineuses. Grâce aux « consorts de la montagne de Blaitière », réminiscence d’un ancien système de gestion partagé, l’alpage jouit d’une bergerie toute neuve et agrandie, avec salle de traite et local fermé (protection vis-à-vis du loup). Journée découverte le 4 août et ateliers de feutrage les 11 juillet et 18 août. Alpage accessible depuis Chamonix (2 heures à pied) ou via le chemin de retour du Plan de l’Aiguille.

Depuis quatre ans, des Vallorcins organisent un événement philosophique, conté, musical et poétique, bref multiculturel, qui rebat les cartes du spectacle vivant. Pendant la Nuit des Ours, les 12 et 13 août, 5 groupes de 50 « spectateurs », sous la houlette d’un guide, itinérant de spectacle en spectacle pour se retrouver vers 1 heure du matin autour d’une généreuse soupe confraternelle et animée. Cette « alternative aux grandes scènes », dixit Bruno Boussagol, tête pensante, se veut aussi acoustique, éthique et écologique. Le public vient en train, et se déplace à pied. Du 8 au 13 août, des journées mêlant réflexions (climat, environnement, guerre en Ukraine) et des concerts sont aussi programmés dans des bistrots, des gites et des buvettes.

Construit en 1976, le chalet du col des Montets, porte d’entrée des réserves naturelles du massif des aiguilles Rouges, a été rénové avec une nouvelle scénographie faite de maquette en relief, de diverses images, films et documents sonores (salle immersive), de 3D et autres outils interactifs. Dans le cadre du programme « Espace Valléen », dont l’objectif est la valorisation du patrimoine naturel et culturel du territoire, les sentiers thématiques alentour ont aussi été réaménagés. Plus globalement, sur le thème de « l’aventure climatique », 5 parcours, ludiques ou plus scientifiques, impliquent les visiteurs, sur les pas des premiers explorateurs. À la clef, une application numérique à télécharger et un kit de jeux (5 carnets, mini outils d’interprétation) gratuit.

Depuis le centre des Houches, remontez la route en direction du lieu-dit « Les Gens ». À la borne 191, partez sur une sente forestière en direction du col du mont Lachat. Plus haut, au niveau du Genevray (borne 198), prenez à gauche pour passer ensuite sous des parois surplombantes (risque de chutes de pierres). Le chemin oscille sur la crête de la moraine du vallon des Arandellys – « Arandelar », en patois, signifie d’ailleurs « aller en zigzag » en référence au vol sinueux de l’hirondelle, « l’aronde ». À la faveur d’un court replat surplombant des éboulis, vous découvrez la silhouette du mont Lachat, grosse butte herbeuse qui vous domine. Rejoignez la baraque Forestière des Arandellys (1757 m), blottie sur un replat bordé de mélèzes. La vue se dégage à mesure que la forêt s’estompe et que l’ascension se poursuit vers le col du mont Lachat, en traversant des champs parsemés d’épilobes. Au croisement des Arandellys (1977 m), poursuivez à gauche vers le mont Lachat (2115 m). Vous l’atteignez en passant par le col éponyme, bordé par un lacet de la voie ferrée du TMB (lire l’autre rando). Sous la crête et le col des Rognes, appréciez un large panorama, l’aiguille et le glacier de Bionnassay, le col de Tricot, la chaîne des Aravis, des Fiz et des Aiguilles Rouges (table d’orientation). La descente en direction de Bellevue débute au bout du plateau herbeux par un sentier très sinueux qui domine la voie ferrée. À La Chalette (1787 m), partez à droite en direction des Houches. Alors sur les pistes de ski, toujours main droite, rejoignez la forêt après Praz Dru (1625 m) en dépassant la cabane de départ du téléski des Grands Bois. Le chemin descend ensuite en direction du chef-lieu en recoupant à plusieurs reprises d’autres sentiers et rejoint la route de Bellevarde, qui vous ramène au parking du départ.

Née en 1965 à Paris, Anaka a une vie à large spectre. Monitrice de ski au Club Med, elle a ouvert et tenu une boutique de fringues à Paris entre 1991 et 1998. Bibliothécaire, secrétaire de mairie (Servoz), rédactrice de pub, responsable du journal quotidien du festival du film d’animation d’Annecy, elle a aussi été répétitrice. À Annecy, elle a mené des ateliers artistiques et d’écriture. Titulaire d’une maîtrise d’art thérapie, elle a également été responsable d’une galerie d’art africain (Servoz). Avec son compagnon musicien, elle a parcouru le monde, exerçant ses performances artistiques tantôt en France et en Europe jusqu’en Inde, aux États-Unis (festival «Burning Man»), au Cap Vert et au Canada (Stick Chapman Camp). Entre Servoz, Lyon et La Réunion, elle cultive aujourd’hui son réseau d’artistes en attendant de repartir en tournée, cet été, sur les festivals hexagonaux.